L’écoféminisme :  une vulgarisation polie

Cet article est un résumé non exhaustif des fondements de la pensée écoféministe. L’écoféminisme est avant tout un mouvement militant, actif et créatif. Les universitaires écoféministes sont nombreuses : philosophes, historiennes, sociologues se saisissent de la question depuis une cinquantaine d’années. Parmi elles nous pouvons citer : Carolyn Merchant, autrice de « La Mort de la Nature ». Cet ouvrage majeur de la pensée écoféministe décrit de façon chronologique les associations symboliques, philosophiques, artistiques et politiques qui lient et ont lié la femme à la nature. Nous pouvons grossièrement résumer le propos de Carolyn Merchant par le schéma suivant :

Cette infographie peut être complétée par quelques points importants qui viendront enrichir votre compréhension et éclaircir mon propos :
Bien évidemment d’un point de vue historique et philosophique la frise peut et doit être nuancée. Il a existé des théories développées par des penseur.euse qui allaient à l’encontre de celles représentées sur mon schéma. On peut notamment citer la pensée de penseurs tels que Paracelse, médecin et penseur de la renaissance (Nous y reviendrons plus précisément dans un prochain article).
Il est également important de comprendre le grand schisme philosophique, théorique et politique, séparant la nature et la culture. A partir de la Renaissance les grands penseurs et politiciens, ont développé et consolidé une vision assez binaire de la société et du monde. Cette vision se basait sur une classification très simple :

Nature

• Les peuples colonisés (sauvages, barbares, inférieurs si ce n’est dangereux)
• Les femmes (soumises à leurs pulsions et leurs émotions, incapables d’être dans la rationalité. Et oui … Alex Hitchens n’a rien inventé)
• La faune et la flore
• Les personnes en situation de handicap (pour ce point, je vous invite à lire l’ouvrage du Sunaura Taylor « Braves bêtes : animaux et handicapés même combat)

Liste à titre d’exemple et non exhaustive.

Culture

• Les hommes blancs / plus particulièrement les européens/occidentaux.
• Les savoirs enseignés à l’université.
• La médecine moderne occidentale
• L’art et la culture « légitime » c’est-à-dire produits en occident par des hommes ou des intellectuels.

Liste à titre d’exemple et non exhaustive.

Bien que le terme écoféministe ne soit apparu qu’à partir des années 70, notamment sous la plume de la militante française Françoise d’Eaubonne, l’écoféminisme comme sujet/forme de militantisme est apparu bien avant.

Vous l’aurez compris, l’écoféminisme ne résulte pas de la simple addition des luttes environnementales et féministes. Le mouvement propose une relecture philosophique, active et créative de l’Histoire et de la société, en se basant sur plusieurs constats

  • Symboliquement : les femmes ont été associées à la terre dès le début de l’antiquité, voir au cours de la préhistoire. Je m’interroge cependant sur le biais masculin contemporain des interprétations des Vénus Stéatopyges …Plus j’écris et plus il me parait évident que la figure de la vénus stéatopyge est un bon point de départ pour comprendre le raisonnement philosophique écoféministe. Quoi de mieux que l’histoire de l’art et l’archéologie pour comprendre les fondements de notre société ?

 

A la lointaine (et bien révolue) époque de mes études à l’Ecole du Louvre, j’ai eu l’immense plaisir d’étudier des dizaines et des dizaines de ces petites figurines préhistoriques, représentant des femmes présentent à travers la quasi-totalité du monde mais dont la présentation faites par nos sympathiques professeur.es ne changeaient jamais :
Ces statuettes symbolisaient la fertilité. La fameuse, la sacrosainte, fertilité.

Et c’est là, plus précisément que l’histoire débute. Si l’on se fie aux théories archéologiques enseignées, dès la préhistoire, et donc aux tous premiers âges de l’humanité, la femme et la terre (la nature) ont été associées l’une à l’autre autour d’un concept bien précis : la fertilité.

L’adjectif fertile est toujours employé pour désigner à la fois une terre agricole et une femme capable de « créer la vie ». J’ai toujours su au fond de moi, que je ressemblais à un champ de blé. Mais si regardez bien : mes cheveux blonds, mon corps en … forme de … tige. Eh ! toutes les excuses sont bonnes pour expliquer la platitude de ma morphologie, je suis un épi de blé, ok ?

Enfin, pardonnez-moi la digression. A partir de ce premier constat, et ce dès les premiers philosophes antiques d’autres associations, rapprochements, concepts sont apparus au fil des siècles. Mais à mesure que la pensée (légitime ?) évoluait le lien symbolique et culturel unissant la femme à la nature ne disparaissait pas, il se transformait, il se renforçait. Ce rapprochement a fini par être intériorisé dans l’imaginaire collectif. Et jusqu’aujourd’hui nous pouvons constater une évolution des traitements infligés à l’une et à l’autre. En voici quelques exemples et illustrations

  • La nature peut être douce, généreuse : la terre nourricière (Gaïa, etc…), comme les femmes assurent la survit de l’espèce humaine. En bref : elles les nourrissent. Il faut donc respecter, prendre soin des femmes mais plus précisément de la mère.
  • Mais également dangereuse et destructrice : la nature peut être violente, meurtrière, comme le sont les « sorcières », les pécheresses… etc. Il faut donc la contrôler.
  • La nature est une ressource inerte, passive et donc exploitable : Ce twist philosophique moderne, si on peut le dire comme ça, à non seulement permis l’exploitation de la terre et de ses ressources mais également de tout ce qui avait été placé dans la catégorie « nature ». Ce joyeux petit groupe (opposé à son jumeau béni « La culture ») regroupait entre autres : la terre, les femmes et les peuples colonisés.

 

Aujourd’hui, ces réflexions et constats sont à la base de la réflexion et du mouvement écoféministe : nous vivons dans une société qui fait subir à la planète les mêmes traitements que l’on fait subir aux femmes, aux personnes racisé.es, aux personnes en situation de handicap au profit d’une société capitaliste pensée par et pour une classe sociale bien précise : les hommes blancs, cisgenres, « éduqués » , biens portants, et qui ont, bien trop souvent, une empreinte carbone scandaleuse … Il n’y a qu’à énumérer les plus grandes fortunes et dirigeants de cette planète …
– Donald Trump
– Emmanuel Macron
– Elon Musk
– Vladimir Poutine
– Vincent Bolloré
– Patrick Pouyanné
– Mark Zuckerberg
– Jeff Bezos

Et la liste est encore très longue … Mais bien évidemment il faut nuancer mes propos, cet article un peu catégorique et binaire a pour objectif de faire comprendre les grandes lignes de la pensées écoféministes pour que nous puissions par la suite approfondir d’autres sujets plus en détails, avec des arguments, des exemples, des contres exemples (car il y en a).

Cette introduction n’est que le début d’une longue série d’article sur l’écoféminisme car si je vous en ai expliqué grossièrement le raisonnement, c’est un mouvement incroyablement riche d’histoires, créatif, joyeux, solidaire et fédérateur.

 

Prochain épisode :
  • Ce que signifient agir et militer quand on est écoféministe : une approche créative du militantisme.

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