Actu Ciné : Pourquoi je n’ai pas aimé Baby Girl

Il nous a été vendu comme LE FILM féministe de l’année, un film sur l’émancipation sexuelle des femmes, une inversion des rôles où la femme est puissante et exprime ses désirs. Un genre de cinquante nuances de Grey féministe quoi … Bon dans les faits c’est ok : les femmes peuvent aussi désirer des hommes plus jeunes (enfin… ce n’est que mon avis, mais il serait temps de normaliser le fait désirer des personnes qui ont le même âge que nous … ce culte de la jeunesse commence à me fatiguer.) et vouloir être sexuellement soumise. Ici je ne kink shame personne.

Ce qui me déplait fortement par contre, c’est l’absence de mise en garde pour le public avant d’aller voir le film. Il est présenté comme un thriller certes. Mais certaines scènes sont très pénibles à regarder surtout lorsque l’on est un.e victime de VSS. Je pense que les personnes qui n’ont pas été victimes peuvent apprécier largement l’ambiance anxiogène, les plans très sombres et l’esthétique assez vintage du film. Le pari artistique du film est plutôt réussi pour moi, certains plans sont très beaux et je pense que je ne suis pas la seule à avoir particulièrement apprécié la scène de Harris Dickinson dansant sur Father Figure. Un très beau moment à la fois sensuel, érotique et moderne.

En tant que victime de VSS, de relations abusives, le film a été assez difficile à supporter à de nombreuses reprises. Ne vous attendez pas à une romance légère, qui traite la question de l’émancipation féminine de façon positive. Je me pose sincèrement la question sur le parti pris scénaristique : pourquoi une femme puissante en public, serait-elle soumise et humiliée en privée pour prendre du plaisir ? Le dualisme du personnage est assez intéressant, mais bien que la réalisatrice ait voulu aborder ce sujet de façon ouverte (oui les femmes peuvent vouloir être soumise même si elles ont un grand pouvoir dans la société) je trouve que le film perpétue une vision de la sexualité basée sur la culture du V.

Alors que le monde de la pornographie, tente péniblement de promouvoir une pornographie féministe, non basée sur la soumission féminine, nous retombons dans ce bon vieux schéma, d’une femme qui prend du plaisir dans l’humiliation et la contrainte. Pour preuve la première scène de sexe entre les deux protagonistes a quelque chose de finalement très violent à plusieurs reprises, Romy (Nicole Kidman) demande à Samuel de s’arrêter, elle lui dit littéralement qu’elle ne veut pas s’uriner dessus. Mais Samuel continue et lui répond « Non attend ». Scène particulièrement difficile à regarder … Romy fait également preuve de violence envers Samuel et lui répète d’ailleurs à plusieurs reprises « Tu m’appartiens ». Encore ce bon vieux schéma de la possessivité….

J’entends tout à fait le choix de la réalisatrice de créer un film tout en nuances, avec des personnages complexes, loin des stéréotypes. Ma question reste celle-ci : ne peut-on dépeindre des femmes dont l’émancipation sexuelle n’est pas perçue de façon négative ou anxiogène ? Le film a malgré tout reçu de très bonnes critiques de nombreuses féministes … Pour ma part j’ai eu l’impression d’avoir regardé une version trash et moderne de l’Amant de Lady Chatterley. N’avons-nous pas progressé sur ces questions depuis Lawrence ? L’éternel retour de l’épouse insatisfaite qui trouve un épanouissement sexuel dans les bras d’un homme viril, dominant et vigoureux … La scène de la boîte de nuit (un énorme cheveux sur la soupe) m’interroge également sur l’interprétation que l’on peut faire : doit on interpréter le comportement de Romy comme une libération ou comme un acte dangereux et inconscient ? Dans le premier cas je ne vois pas en quoi aller en boîte de nuit et boire dans la bouteille en plastique d’inconnu.es constitue en soi une libération… Mon bon conseil de vieille femme un peu réac du dimanche : si vous êtes dans une soirée techno, où vous ne connaissez personne, ne buvez pas dans la bouteille, le verre ou la gourde qu’un.e inconnu.e vous tend ! Dans l’autre cas, celui où finalement on veut montrer Romy comme un personnage qui dérive : a-t-on besoin d’aller jusque là pour montrer la déchéance et l’inconscience d’une femme qui prend un amant plus jeune qu’elle ?

N’en plaise aux autres féministes, j’ai trouvé ce film violent, anxiogène et pour conclure, il n’apporte rien de neuf à la lutte pour la libération sexuelle des femmes. Nous avons le droit d’être soumise comme nous avons le droit d’être dominante, mais a-t-on besoin (encore aujourd’hui) de mettre à l’écran, sous l’œil d’un public de 16 ans et plus, un schéma sexuel déjà bien (trop) exposé depuis des centaines d’années ?

Mon avertissement est le suivant : si la question des VSS et des relations toxiques vous met mal à l’aise ou vous angoisse, n’allez pas voir Baby Girl.

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